Sunday, October 30, 2016

De Raymond Delattre (extrait de T-B 70)

Sept ans de malheur

La constellation de l'éléphant n'est jamais visible à l’œil nu. Il ne s'y trouve pas âme qui vive. Elle ressemble à la page blanche, le plus beau des poèmes, celui qui ne comporte pas un mot de trop !


L'oxygène fait défaut sur les astres lointains. Il commence à se raréfier sur la Terre aussi : bientôt tout le monde devra porter un masque à gaz pour pouvoir survivre !


Un chanteur plutôt naïf voulait célébrer les merveilles du monde actuel, mais, contre toute attente, l'écho de ses lamentations arracherait des larmes aux rochers les plus durs... ; c'est pourquoi plus personne ne veut l'écouter ! Il s'en est trouvé ruiné mais ne s'en plaint pas trop, puisque les princes eux-mêmes n'ont pas besoin d'argent ! Néanmoins il n'a pas encore bu la lie de tous ses déboires ! Il encourt de graves ennuis avec la police parce qu'il a consulté sur le Net un spécialiste des nains de jardin.


Depuis que tout tourne mal pour lui, les rues de son village ont bien changé ! Il n'y a plus d'artisans à la rue des artisans, il n'y a plus d'usines à la rue des usines, il n'y a plus de moulin à la rue du vieux moulin, il n'y a plus de putains à la rue de la joie, il n'y a plus de poètes à la rue E. Verhaeren !


C'est près d'un cloaque plein de flaques opaques qu'il s'est à présent retiré dans une infâme baraque en bois dont les murs craquent à chaque claque du borée par trop souvent d'attaque ! Ça se trouve à proximité de l'endroit où l'autoroute coupe en deux le petit bois, non loin de la boutique de chapeaux pour les gens sans caboche !


On croyait que le seuil avait déjà été atteint, mais il constate encore une augmentation du sale air dans les environs !

Son amie l'a plaquée sèchement depuis qu'il n'est plus rien. Leur idylle semblait pourtant une belle flamme qui brille pour l'éternité au fond d'un vase de cristal ! Ils avaient fait leurs grands accords pendant leurs fiançailles mais depuis qu'ils sont allés au curé, il y a eu une mouche dans l'horloge de leur ménage ! Pourtant cet amant délaissé peut s'exclamer comme Sardanapale : "Ils sont à moi, tous mes festins, tous mes débordements, et toutes les délices que l'amour m'a fait goûter !"

Hélas ! Sa belle ne faisait grand cas de lui que parce qu'elle chérissait, par-dessus tout, son argent !


En ces circonstances, les couplets et les ris sont absents de son humble demeure, seuls les corbeaux et les loups chantent leur mélancolie dans le voisinage ! Il n'ouvre plus la porte à ses anciens amis, il ne veut plus prêter une oreille complaisante aux faiseurs de ritournelles !


Il reste enfermé seul chez lui pendant des mois entiers, ne recevant de visite, dans sa cour herbeuse, que d'un vieil hérisson peu expressif ! Mais en de rares occasions, lors de guindailles namuroises particulièrement endiablées, il se vante encore d'avoir bon et d'être « bien aise » sur sa petite planète (quoiqu'il sache parfaitement qu'on n'a jamais que le bien qu’on se fait !)

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Incipits finissants (67)

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